Starfield : le blockbuster spatial de Bethesda
Trois semaines après la sortie, le dernier blockbuster de Bethesda est-il à la hauteur des énormes attentes de la communauté ? Voici notre avis.
Le premier constat qui s’impose avec Starfield, c’est qu’il fait honneur à la tradition de Bethesda sur un point en particulier : la quantité de contenu jouable est massive, tout simplement. Bethesda affirme que ce titre comporte plus d’éléments faits à la main que tous ses autres titres précédents, et il faut admettre que le contrat est rempli à ce niveau. Il faudra sans doute des centaines d’heures de jeu pour explorer la totalité du contenu disponible.
Cela commence évidemment par l’incontournable quête principale, qui est à la fois plutôt longue (comptez facilement une trentaine d’heures) et de bonne facture. On regrette un peu le manque d’importance globale des choix sur le long terme (n’est pas Mass Effect qui veut) ou de compagnons marquants et charismatiques. Mais la trame narrative reste tout de même suffisamment prenante pour valoir le détour.
Mais là où Starfield brille véritablement, c’est par le nombre invraisemblable de quêtes annexes qui s’emboîtent souvent les unes avec les autres. Dans la plus pure tradition des sagas Elder Scrolls et Fallout, on se retrouve avec une foultitude d’arcs secondaires parfois assez superficiels, mais souvent très intéressants dans lesquels on se perd avec plaisir, jusqu’à se retrouver complètement happés. Aucun doute, l’ADN de Bethesda est donc bien présent; Starfield contient tout ce qu’il faut pour se construire une aventure sur mesure. Ce point à lui tout seul suffit à en faire un bon jeu, surtout au premier contact. L’effet waouh est bien présent, c’est indéniable.
Mais avec Starfield, le studio ne nous promettait pas seulement une déclinaison spatiale de ses anciens titres. Bethesda a fait de gros efforts de communication pour présenter son nouveau blockbuster comme un véritable tournant générationnel. Et lorsqu’on prend ce paramètre en compte, le verdict est soudainement beaucoup plus nuancé.
Un jeu artistiquement hétérogène
Le premier point qui mérite quelques discussions, c’est le côté côté graphique. Force est de constater que Starfield offre quelques panoramas absolument grandioses qui mettent une véritable claque au premier abord.
Il est évident que certaines zones ont été conçues avec un vrai souci du détail. L’immensité et le côté épique de l’espace ressortent régulièrement, pour notre plus grand plaisir. Les villes et avant-postes ont tous droit à une ambiance convaincante et sont globalement bien réalisés, à défaut d’être particulièrement inspirés. D’autres, par contre, n’ont clairement pas bénéficié de la même attention ; certains éléments de décors semblent franchement datés, pour ne pas dire assemblés à la truelle – mention spéciale à New Atlantis. Mais ces exemples restent heureusement des cas isolés.
Pour ce qui est du côté purement technique, le résultat est assez mitigé. Les textures en elles-mêmes, si elles sont bien réalisées dans l’ensemble, ne sont malheureusement pas mises en valeur par la qualité franchement décevante de certains effets d’ombre et de lumière. C’est d’autant plus évident pour les joueurs qui seront forcés de renoncer à la qualité Ultra pour des raisons de performances ; dès que la qualité baisse, de nombreux éléments, notamment la végétation, semblent tout droit sortis de Fallout 4 (2015).
L’espace n’est qu’un décor
Et ce côté approximatif est encore plus criant au niveau du lien entre le gameplay et la direction artistique. Lorsqu’on gratte cette première couche de peinture, on constate que contrairement à ce que suggère le titre, l’immensité de l’espace n’est pas aussi perceptible qu’on aurait pu le penser : c’est un prétexte, un décor, et certainement pas le bac à sable infini dont certains joueurs rêvaient. Et cela nous amène au principal reproche que nous faisons à Starfield. L’exploration et le fait de pouvoir naviguer de façon organique et en toute liberté dans cette montagne de contenu a toujours été le point fort des jeux de Bethesda.
Depuis l’ère Morrowind, tous les titres du studio ont systématiquement été assez brillants à ce niveau. Le concept est simple, mais rudement efficace : l’exploration d’une simple grotte débouche sur une nouvelle vallée pleine de quêtes qui nous emmènent vers de nouveaux horizons avec leur lore singulier, et ainsi de suite. Les pérégrinations du joueur étaient toujours grisantes et dûment récompensées ; une dynamique à la fois agréable et gratifiante. Malheureusement, l’énorme ambition de Bethesda se révèle plutôt contre-productive de ce côté.
Le monde de Starfield est vaste, extrêmement vaste — un bon point sur le papier. Mais en pratique, cela signifie que le contenu le plus intéressant est massivement dilué. Les innombrables points d’intérêt qui font le charme de Bethesda sont toujours là, et en masse, mais ce matériel est désormais noyé dans un océan de contenu procédural terriblement insipide et redondant.
Et puisque tous ces éléments ne sont accessibles qu’à travers le système de fast-travel incontournable, l’univers semble finalement assez cloisonné, moins organique… et finalement plus petit qu’il ne l’est en réalité. Au fil du temps, le côté grandiose et si saisissant qui frappe pendant les premières heures s’estompe donc assez rapidement. On a clairement l’impression que tout le contenu aurait facilement pu tenir sur une poignée de planètes liées de façon moins artificielle. Assez paradoxal pour un univers aussi immense, et un crève-cœur pour les amoureux de l’exploration à l’ancienne. Dans Starfield, les promenades sont loin d’être grisantes.
Certes, on peut considérer cet aspect comme un choix de design assumé ; après tout, cette immensité et l’omniprésence du vide font intrinsèquement partie du thème de l’espace. Mais en pratique, le résultat nous a laissé un arrière-goût un peu amer qui rend le jeu nettement moins mémorable que les légendaires Skyrim ou New Vegas, par exemple.
Moteur, (in)action
Autre point qui nous a fait froncer les sourcils : les mécaniques, et en particulier celles des combats. Ces derniers n’ont jamais été la grande force des jeux Bethesda, c’est le moins qu’on puisse dire. Et il serait injuste d’attaquer le studio à outrance sur ce terrain. Après tout, ce n’est pas la philosophie de ce RPG; il ne s’agit en aucun cas d’un jeu d’action à proprement parler.
Mais on peut difficilement s’empêcher d’être un peu déçus du manque d’évolution à ce niveau. Année après année, jeu après jeu, le moteur de Bethesda souffre toujours des mêmes limites, et elles deviennent de plus en plus criantes au fil des années.
Il faut admettre qu’en termes de sensations, le gunplay est meilleur qu’il ne l’était dans Fallout 4, par exemple. Les ennemis réagissent davantage aux impacts, le sound design est plus convaincant. Mais au niveau purement mécanique, Starfield reste relativement mollasson, pour ne pas dire sclérosé. Il hérite de nombreuses lourdeurs que l’on aurait espéré voir disparaître sur ce titre de nouvelle génération.
Certains détails de gameplay qui donnaient un peu de piment à ces combats ont même disparu. On regrette tout particulièrement la disparition du démembrement et surtout de notre bien aimé V.A.T.S, deux points forts de la série Fallout qui auraient parfaitement eu leur place dans Starfield. À ce niveau, ce titre pourtant futuriste s’embourbe dans un retour en arrière difficilement explicable.
Mention spéciale à l’IA des ennemis, qui est toujours aussi pathétique. C’est un point qui était éventuellement excusable dans un Fallout où tout le monde a le cerveau ramolli par les radiations, mais un peu triste lorsqu’on est censés affronter une coalition de pirates surentraînés…
Nous aurions aussi aimé voir quelques mécaniques supplémentaires directement liées à l’espace en elle-même, comme des fuites d’oxygène liées aux impacts de balles. Mais malheureusement, pas grand-chose à signaler de ce côté, à part le fait de pouvoir détruire les jetpacks qui est, il faut l’admettre, assez amusant — jusqu’à ce que le cadavre d’un boss chargé de précieux butin se retrouve catapulté à l’autre bout de la carte. Woopsie.
Des vaisseaux qui font de la figuration
Et malheureusement, cette hétérogénéité se retrouve aussi au niveau des vaisseaux. Dans l’ensemble, la construction de son propre véhicule est franchement bien pensée. Un très bon point, sachant que l’identité du jeu repose en grande partie sur ces machines. Mais malheureusement, les possibilités pratiques qu’ils offrent sont excessivement décevantes.
Certes, il aurait été déraisonnable de s’attendre à un équivalent de No Man’s Sky ou d’Elite Dangerous, par exemple. Ce n’était absolument pas l’objectif du studio. Mais nous avons tout de même été très déçus de voir que Bethesda a fait le strict minimum pour satisfaire ceux qui cherchaient un tantinet d’immersion spatiale.
Cela commence par les voyages. Pour ceux qui ont eu la naïveté d’espérer des rentrées atmosphériques spectaculaires ou des voyages à la vitesse de la lumière sans transition, le retour à la réalité a été assez brutal ; tout se déroule à travers des écrans de chargement qui nuisent énormément à l’immersion. Même l’entrée et la sortie des vaisseaux sont ponctuées d’un écran noir… Autre grosse déception : le vol atmosphérique est entièrement inexistant, ce qui prive l’exploration d’un côté organique qui aurait été très appréciable.
Les affrontements dans l’espace, de leur côté, sont tout simplement pathétiques. À part le système qui consiste à assigner les ressources du générateur à la volée, Bethesda ne semble avoir fait absolument aucun effort d’imagination pour rendre ces moments dynamiques, ou ne serait-ce qu’intéressants.
Là encore, de la même façon qu’il ne s’agit pas d’un véritable shooter, Starfield n’est pas un simulateur de vol. Certes. Mais cela excuse-t-il la pauvreté confondante de ces séquences en vaisseau ? Probablement pas. Même en faisant abstraction de l’équilibrage assez catastrophique, il s’agit simplement d’un système de point-and-shoot au raz des pâquerettes, sans la moindre profondeur stratégique ou mécanique. Entre l’absence totale de manœuvres et l’arsenal fade à souhait, il n’y a pas grand-chose à sauver dans ces séquences qui ressemblent plus à un mini-jeu qu’à autre chose.
Encore une fois, oui, Starfield n’est ni un shooter ni un simulateur de vol. Mais au bout du compte, le jeu reste tout de même rythmé par tous ces frictions entre factions, que ce soit à pied ou dans l’espace. Le combat et le voyage font partie intégrante de l’expérience, et il est vraiment dommage que Bethesda n’ait pas accordé une place plus importante à ces vaisseaux. C’est une grosse occasion manquée de donner un supplément d’âme à un jeu qui n’en déborde malheureusement pas.
Conclusion
Dans l’ensemble, en toute objectivité, Starfield est très loin d’être la catastrophe que certains continuent de fustiger à grands coups de posts d’un kilomètre sur Reddit. Il s’agit tout de même d’un bon jeu qui cache une quantité de contenu est assez énorme, une ribambelle de quêtes secondaires qui se savoure sans arrière-pensée, des tas d’options pour personnaliser son aventure…En d’autres termes, Starfield répond présent sur ce que Bethesda sait faire de mieux.
Mais personne ne s’attendait à ce que ce titre déroge à cette règle. Bethesda était attendu au tournant sur de nombreux autres points. Et force est de constater qu’à bien des égards, il ne s’agit clairement pas de la claque attendue – d’où le fait que nous ayons accordé une place significative aux critiques négatives dans cet article.
Le vrai problème, c’est que l’ambition démesurée de Bethesda s’est heurtée à une timidité assez paradoxale. Le manque de vraie innovation au niveau du moteur et des mécaniques (certains préféreront parler d’absence totale de prise de risque) fait qu’il existe un écart considérable entre les prétentions du studio et la réalité du terrain. Le meilleur exemple est certainement l’exploration, dont les lacunes brident fortement le côté épique de l’aventure. Résultat des courses : on se retrouve avec une expérience pas désagréable, mais pas non plus mémorable.
Starfield échoue à nous mettre des étoiles dans les yeux comme l’avaient fait Oblivion ou Skyrim, pour ne citer qu’eux. Est-ce un mélange de nostalgie et d’attentes qui ont augmenté avec les progrès techniques de l’industrie ? Probablement. Mais quoi qu’il en soit, on ressort de Starfield un peu amer et pas aussi diverti qu’on l’attendait, vu l’anticipation gigantesque que le studio avait pris grand soin d’alimenter pendant ce cycle de développement interminable. Un bon jeu, sans aucun doute, mais qui aura sûrement du mal à prendre autant de place que ses illustres prédécesseurs dans le cœur des fans.
Source : https://www.journaldugeek.com/test/starfield-notre-verdict-sur-le-blockbuster-spatial-de-bethesda/